Roman : Rien n’est acquis sauf les blessures de l’âme

Roman : Rien n’est acquis sauf les blessures de l’âme

L’actualité rejoint le commandant Thierry Corta , officier à l’OCRVP. Sa vie professionnelle impacte sa vie privée. Le milieu international des trafiquants de drogue, véritable gangrène des sociétés modernes, l’atteindra au plus profond de lui-même.

Paris, quartier Stalingrad
Semaine tourmentée. On était arrivé avec peine à vendredi. Deux
véhicules de gendarmes mobiles entouraient la zone au milieu de
laquelle un corps avait été retrouvé. C’était le quatrième en une
semaine. Lundi, celui d’un migrant malien gisait sur un banc le long
du canal de l’Ourcq. Mardi c’était celui à moitié dévêtu d’une jeune
femme d’origine slave étendu devant la station de métro Jaurès.
Mercredi un autre était retrouvé au coin de la rue de Flandre et de
la rue de Crimée. Point commun entre les trois, des numéros dans
un dossier d’affaires en cours puis ensuite vraisemblablement dans
celui des affaires non résolues. Êtres humains solitaires maltraités
par la vie et disparaissant sans laisser de traces.
Entre la Porte de la Chapelle et celle d’Aubervilliers, entre le
périphérique et une bretelle de sortie, c’était comme un no man’s
land de la misère, sur un tertre autrefois vert. Aujourd’hui de la
boue et des détritus, des tentes et des sacs plastiques. Entre le jardin
d’Éole, ses abords et cette zone proche du périphérique, les dealers et
les consommateurs se mélangeaient. Parfois un élu passait, semblait
vouloir intervenir et déclencher une action significative. Mais rien
ne bougeait, si ce n’était des oppositions sur telle ou telle mesure à
décider entre l’État, la Préfecture, la Mairie et les associations. Les
crédits insuffisants, les préséances, la réglementation, tout concourait
au statu quo. La bonne volonté souvent évidente se heurtait à une
inertie paralysante. Partout dans le monde ce type de zones d’exclus
se répandait. Dans certains cas, même les organismes sociaux, les

associations, les bénévoles hésitaient à s’aventurer dans ces lieux
de non droit.
Les crackés, les accros de toutes sortes avaient subitement
disparu, hormis certains zombies complètement défoncés n’ayant
plus la force de se déplacer. Dans leur état, le teint cireux pour
certains, burinés par leurs histoires chaotiques pour d’autres, ils
ne ressentaient aucune crainte. Ils étaient comme des spectateurs
inertes de leur propre déchéance. Prêts à s’effondrer en titubant.
Les images passaient mais ils ne retenaient rien. Ils étaient habités
par des personnages imaginaires. Le seuil de la conscience était
dépassé. Certains marmonnaient pour eux-mêmes, d’autres poussaient

parfois des hurlements déchirants ou apostrophaient les
passants surtout ceux qui les regardaient. Il arrivait parfois que
certains deviennent agressifs pour se procurer quelques subsides.
Seuls quelques représentants d’associations humanitaires se
tenaient à l’écart prêts à intervenir. Par contre deux membres d’une
association de défense du quartier discutaient avec un OPJ. Ils

continuaient leur combat pour la préservation de leur environnement.
Peut-être une cause perdue. Une fois les forces de l’ordre parties,
les groupes reviendraient inexorablement.
Aujourd’hui après une première intervention d’une patrouille,
l’équipe de la PJ laisserait la conduite des opérations à la brigade
des stupéfiants.
La police avait retrouvé sans difficulté des tubes remplis de
crack, ce mélange de cocaïne, d’ammoniac ou de bicarbonate de
soude. Ces galettes ou cailloux de taille réduite mettaient rapidement

quelqu’un de sain dans un état de dépendance avancé. Il était
très facile aux dealers de prospérer. Une première dose gratuite puis
la boucle infernale était lancée. Dans ce monde de marginaux, l’important

était la survie à n’importe quel prix, même en vendant son
corps. Peu importaient les vies contaminées, détruites. Chacun pour
soi dans la futilité de ce qui ressemblait à une vie.
La guerre de l’information était maintenant lancée avec l’arrivée
des journalistes. De quoi animer le JT de 20 heures et les prises
de position des politiques en mal d’imagination et de compétence.
Mais paradoxalement très fermes et volontaristes dans leurs propos.
Le fameux plus jamais çà pour satisfaire les familles inquiètes.
Rien n’était simple ou évident. Surtout quand on ne cherchait pas
réellement des solutions complexes par définition et exigeant du
temps, mais seulement la facilité avec des postures génératrices de
polémiques. Combien était-il plus facile d’être médecin légiste que
médecin de campagne ! Le diagnostic était plus aisé et surtout la
thérapeutique ne pouvait porter à conséquence. Pas de réclamation
ensuite.
C’était dans cette ambiance délétère que je me retrouvais au
côté de la commissaire principale Caroline Meunier. Policière d’expérience

au caractère trempé, je la connaissais depuis quelques
années, à travers différentes affaires. Plutôt râblée, brune, cheveux
courts, yeux marron avec un regard déterminé et tenace vis-à-vis de
son interlocuteur. Elle dégageait naturellement une force d’autorité.
Ses équipes la respectaient et n’avaient pas d’état d’âme lorsqu’elle
leur donnait ses consignes. Ce n’était pas ce genre de responsable
qui confondait autorité et autoritarisme. Sa compétence suffisait,
sa bienveillance tant pour ses subordonnés que pour les personnes
arrêtées lui octroyait un capital de sympathie. Avec son mari, pilote
sur long courrier, le couple devait être explosif.
D’autres affaires du même type avaient été découvertes. Deux
en France, au Havre et à Marseille, mais aussi à l’étranger dans
plusieurs pays d’Europe de l’Ouest, d’Israël, sans parler de l’Amérique du Nord.

Europol avait d’ailleurs dépêché récemment deux
enquêteurs en provenance de La Haye. Cette agence européenne de
police criminelle avait pour mission notamment de collaborer avec
les polices nationales en matière de stupéfiants et de terrorisme.
J’avais rendez-vous avec eux le surlendemain indépendamment
du cas de ce jour. La mondialisation était à pied d’œuvre. C’était

d’ailleurs la raison de ma présence. Cette affaire Stalingrad comme
on commençait à l’appeler entre nous semblait prendre trop d’ampleur.

Les autorités s’inquiétant, tous les services étaient mobilisés.
Surtout ne pas donner le sentiment de l’inaction à la population.
Pour le moment l’heure était aux constats. Corps d’un homme
amaigri, sans doute moins âgé que son aspect le donnait à penser,
des vêtements sales endommagés, visage blafard avec des traces de
boue, mains noirâtres, doigts avec des ongles rongés et recouverts
d’un mélange de sang, de terre et autres résidus. Deux hommes de
la scientifique étaient présents pour des relevés. En rejoignant la
commissaire Caroline Meunier je retrouvai un des deux représentants
de la brigade des stups, le capitaine Marc Barrocher. En attendant
qu’un juge décide de la suite, je m’intégrai dans la discussion.
— Encore une affaire dont la solution nous échappe. Au moins
les causes sont claires et malheureusement pour la victime, elles ne
vont que gonfler les statistiques.
— Et les remarques habituelles, mais que faites-vous sur le
terrain?
— Toujours pas d’identification de la source de cette saloperie ?
— D’après les informations de nos différents indics et de
quelques infiltrés, nous sommes à peu près certains que la cocaïne
provient d’Amérique du Sud et plus particulièrement de Colombie.
Il semblerait que le chargement arrive principalement au Havre
pour la France après quelques détours.
C’était Barrocher qui s’était exprimé.
— Que comptez-vous faire ?
— Normalement je ne devrais pas t’en parler, mais on va organiser

une intervention dans le port du Havre. Ce ne sera que la
cinquième. Seules deux ont donné quelques résultats et encore, très
peu de quantité saisie. Ils savent que l’on surveille. Je pense aussi
que nous ne sommes pas suffisamment discrets. Des policiers qui
débarquent de Paris, ça se remarque. Si cela te dit, je te contacte
quand tout sera décidé. Mais pas avant quelques semaines. On a
encore besoin de récupérer des données.
— Très bien, je suis effectivement demandeur.
— Bien, Messieurs je vous laisse, mon travail s’arrête à cette
enquête quasi bouclée, à moins que le juge n’en décide autrement.
Je vous laisse la chasse au gros gibier.
— Si tu veux rester il n’y a pas de secret particulier.
— Je sais bien. Merci mais j’ai assez à faire avec ce quartier.
La commissaire partie, je restai encore quelques instants avec
Marc Barrocher.
— Même si on aime notre métier, c’est un peu frustrant. On a
des types qui ressemblent à des morts vivants, pendant que d’autres
se constituent des fortunes avec le commerce de cette pourriture de
drogue. Et difficile de penser que l’on en verra le bout.
— Oui on a en face de nous de véritables armées disparates certes
mais alliées. Une véritable tumeur qui progresse.
— Le pus des différentes mafias continue à empoisonner le
monde moderne.
— Bien après ces réflexions, j’attends ton appel pour l’opération
du Havre. Même si ce n’est pas mon enquête, je peux être concerné
par certaines retombées.
— En attendant, on aura droit encore à une intervention du
ministre qui va délayer sa prose habituelle. Pas de vague, pas
d’ostracisme et bla et bla.
— Oui, je crois que je vais aller me défouler à la salle de sport. Il
faut évacuer la désespérance de nos enquêtes.
— À bientôt.

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